CR de conférence sur l'ESS

Entre coopération et contestation, quelles relations entre association et action publique pour un projet commun au service de l'intérêt général ?

Conférence de l'Institut de la Caisse des Dépôts et Consignation pour la recherche et la chaire économie solidaire du CNAM, 28 janvier 2016


7 avril 2016

 

Des échanges autour de l’ouvrage Associations et action publique, paru en septembre 2015, ont eu lieu fin janvier. Ils étaient organisés conjointement par l’Institut de la Caisse des Dépôts et Consignation pour la recherche et la chaire économie solidaire du CNAM.

 

Les contributeurs de l’ouvrage ont présenté de nombreux projets et éclairages théoriques alimentant la réflexion et les échanges.

 



3 points à retenir :

1- Entre pouvoirs publics et associations, un double rapport de coopération et contestation serait profitable pour équilibrer leurs relations et les orienter vers l'innovation. D'autres facteurs sont également importants, mais tous supposent des remises en questions positives pour les parties prenantes.

2- Les démarches participatives ne suffisent pas à garantir une action publique qui n’instrumentalise pas les associations mais se co-construit avec elles. En effet, nombreuses sont les tensions qui peuvent apparaître au sein des projets.

3- L’association peut être appréhendée comme une organisation, un statut juridique ou bien plus largement comme une valeur, un principe essentiel au processus démocratique. Selon le choix opéré, l’éclairage et les lunettes diffèrent et les manières de penser une action publique collaborative aussi.

 

Cet ouvrage collectif est né de la volonté d’entamer un débat entre toutes les parties prenantes, d’échanger autour des pratiques, de mutualiser les réflexions. Au fil des présentations et échanges de cette journée s’est ainsi dessiné un ensemble de facteurs facilitant l’implication des associations dans l’action publique et la réussite des projets :

- le dimensionnement local de l’action ;

- la co-construction, voire la co-décision et pas simplement la co-production ;

- le décloisonnement des acteurs, la confiance et la proximité ;

- le respect de l’autonomie, de l’identité et la pluralité des associations ;

- la valorisation des expertises, la mobilisation citoyenne et la participation de bénévoles ;

- la prise en compte de relations multilatérales et non uniquement unilatérale ;

- et l’égalité des acteurs, des participants aux projets.

 

Ces éléments favorisent un travail en partenariat autour d’un projet et posent un cadre très ambitieux à l’action ; ils soulignent aussi plusieurs problématiques :

- Le sens donné à l’action, au projet et les injonctions (en termes d’objectif, de modalités de mise en œuvre, d’évaluation…) qui naissent de visions différentes d’un acteur à l’autre. Ainsi quid de ce que chacun met derrière le mot insertion ?

- La difficulté à travailler avec une grande multitude d’acteurs dans des contextes qui favorisent peu la coopération. Concrètement pour coopérer, l’association doit vouloir « co-penser » avec les partenaires, quitte à arrêter le projet afin de le redessiner collectivement, avec une nouvelle configuration plus impliquant pour tous, autour de valeurs discutées. Comme le souligne Philippe Eynaud, le dissensus (qui s’inscrit dans un double rapport de contestation et de coopération) peut être un moyen d’avancer.

- La difficulté à assurer une égalité entre tous les partenaires, à faire reconnaître et valoriser l'engagement citoyen et bénévole qui est essentiel dans une démocratie, et le sujet épineux des prises de décisions. Qui décide et comment ?

 

 

L’action publique locale pourrait donc être à la rencontre d'un projet associatif et d'axes d'intervention mais pas une demande descendante fusse-t-elle participative. La co-construction d’une action, d’un projet par de multiples acteurs se heurte à différents enjeux :

- La tension gestionnaire versus visionnaire. Ainsi, une association s’affirme comme porteur d'un projet associatif dans un équipement qu’elle gère, là où les services municipaux « délèguent une gestion » et souhaitent un contrôle de ce qui se passe dans les équipements de quartiers.

- La gestion d’un projet versus gestion d’un dossier par les interlocuteurs des pouvoirs publics.

- Les changements de politiques, d'objectifs, de public cible, de découpage des territoires qui génèrent des injonctions paradoxales (une action pour des jeunes uniquement quartier politique de la ville mais qui doit rayonner à l’échelle du département)

- Les mises en concurrence et une injonction croissante à l’autonomie des associations qui favorisent peu la coopération.

- Les tensions internes dans l’association (autour du projet, de la vie associative, d’éventuelles mises en difficulté des bénévoles qui ne sont plus à la hauteur des contraintes qui leur sont données, des fragilités économiques, des difficultés à superposer des aides différentes et des multiplicités des financements…).

 

 

Au cœur des échanges et de l’ouvrage, la question de la vision de l’association est essentielle. Selon l’entrée choisie, l’analyse diffère et ce qu’elle donne à voir aussi. S’il s’agit de se demander comment faire un projet commun au service de l'intérêt général, les participants choisissent une vision moins juridique et plus philosophique de ce qu’est l’association et de son champ d’action.

 

S’il s’agit de réfléchir au renouveau d’une action publique collaborative, il peut être intéressant de ne pas poser l’association d’abord comme « prestataire » « sous-traitant » mais de l’envisager comme un principe d’action. Et de ne pas l’aborder que par les questions de financement et d’évaluation émanant de prescripteurs (questions qu’il ne s’agit pas non plus d’évacuer), mais d’étudier les modes de régulations entre les parties prenantes pour aller vers de la co construction, voire de la codécision dans l’action publique.

 

 

Avec l’ouvrage il s’agit aussi de chercher à renouveler le dialogue entre acteurs, praticiens, chercheurs qui veulent se saisir de cette « objet associatif » pour partager autour des solutions qui s’inventent dans la pratique.

 

 

Karine Tourné Languin, Sociologue

 

 

Et vous ?

Et pour vous, quelle vision de l’association ? Y a-t-il une définition plus opérante ? Ou bien la juxtaposition des éclairages peut-elle nous permettre de mieux cerner la complexité des situations et des relations ?

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Pour aller plus loin :

Le livre

Le programme de la journée

 

Rubrique : actualité ESS

Catégorie : conférence - livre

Mots-clés : action publique, associations, intérêt général, régulation


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