CR de conférence de recherche en ESS

11 janvier 2016

3 points à retenir :

1- La recherche-action, propre à l’ESS, répond à un besoin de réflexivité. Elle vise l’auto-formation, la transformation par l’action, la transmission de connaissances et la co-production entre monde de la recherche et terrain.

2- Visibiliser les enjeux d'égalité femmes-hommes dans la gouvernance était un enjeu affiché du programme. Alimenté par des statistiques éclairantes, pourtant ce sujet a réuni peu de participants. Pas considéré comme suffisamment sérieux ou stratégique ? Le « genré » fait une fois encore un flop !

3- L’organisation coopérative est un bien commun à transmettre aux nouveaux membres, mais comment faire ? Comment éviter les récupérations et la marchandisation ? Et si les coopératives faisaient du compagnonnage ?

La recherche-action

Lors de plénière sur « les coopératives dans la multiplicité des formes concrètes de résistance à la crise », les différents acteurs ont présenté la recherche-action comme inhérente aux projets et mode d'action de l’économie sociale et solidaire (ESS). Elle trouve sa source chez Henri Desroche, aux collèges coopératifs, en passant par l’autobiographie raisonnée mobilisée notamment par Jean-François Draperi et correspond à un besoin, une nécessité de réflexivité.

La recherche-action permet des liens entre chercheurs et acteurs, de quitter l’institutionnel et de se départir de ses casquettes. La démarche est d’être acteur et auteur. Ce qui fait sortir des clichés du chercheur-expert et de l’acteur toujours accaparé dans son terrain.

Cette démarche permet de sortir de la vision enchantée de la coopérative et répond aux questions comme : qui prend la décision in fine ? Comment on passe la main ?

Pour Manucoop, la recherche-action repose sur 4 axes :

- l’auto-formation / l’auto-transformation

- la volonté de changement / elle vise la transformation par l’action

- la transmission de connaissances

- la co-production entre monde de la recherche et terrain

Nadine-Richez Battesti, grand témoin, souleva une interrogation : pourquoi avoir choisi le déroulé suivant : la présentation des acteurs, suivie de celle des chercheurs puis des questions de la salle venant d’acteurs ? La reprise de ce mode de présentation traditionnel interroge : quelle co-production ? Quel accompagnement ?

L'égalité femmes-hommes

Deux ateliers prenaient clairement le parti d’interroger les enjeux de l’égalité femmes-hommes et de partager des expériences autour des stéréotypes de genre. Faute d’un nombre suffisant de participants, les deux ateliers se sont regroupés. Cette solution a permis un décloisonnement fructueux des questionnements : les enjeux autour de la gouvernance rejoignant souvent les questions d’égalité liées aux activités et métiers.

Des données statistiques ont finalement été présentées en plénière, permettant ainsi à tous de prendre connaissance des travaux de la CRESS Midi Pyrénées et de se confronter à la manière dont les structures de l’ESS et les acteurs des coopératives en particuliers intègrent (ou pas) cette question.

Ainsi, en Midi Pyrénées environ 70% des salarié/es de l'ESS sont des femmes (contre 48% dans l’ensemble de l’emploi régional). Elles sont largement majoritaires dans les mutuelles (75% et jusqu’à 81% dans les mutuelles de santé et prévoyance), les associations (72%) et les fondations (67%). A contrario, elles représentent moins de 50% de l’emploi des coopératives, notamment dans les Scop et les coopératives agricoles (33%). Elles représentent 70% des effectifs de la santé, de l’action sociale et de l’enseignement. L’emploi des femmes est concentré dans des métiers souvent « considérés à tort comme « peu qualifiés » car fondés sur des qualités « féminines » dites « naturelles », liées aux tâches exercées et aux compétences accumulées dans la sphère privée (travail domestique et responsabilités familiales) », à l’exemple des aides à domicile, aides ménagères et travailleuses familiales (98% de femmes).

Les communs

Depuis l’attribution du « prix Nobel » d’économie à Elinor Ostrom, le concept de « communs » s’est largement diffusé, cependant il reste encore assez flou pour nombre d’entre nous.

La présentation de Benjamin Coriat, professeur au Centre d'économie de L'université Paris-Nord, a permis de désembuer un peu le concept. Pour l’économiste, les communs comprennent 3 éléments clés :

- des ressources mises en communs,

- une distribution des droits et obligations entre les différents partenaires

- un mode de gouvernance spécifique

Pour Thomas Lamarche, enseignant-chercheur en économie à l’université Paris Diderot, les organisations d’ESS agissent au niveau de ce qu’il appelle les « marges instituantes ». En innovant à l’écart des modèles dominants, en créant de nouvelles formes d’agir collectif, les coopératives et plus largement les entreprises de l’ESS produisent des «communs immatériels», de « l’agir collectif ». Ces innovations sont toutefois soumises au risque des free riders : une fois produit, ce commun se diffuse et peut être récupéré, détourné de sa vocation première. Comme c’est le cas dans la marchandisation de certains services initialement créés par l’ESS, tel que les AMAP (Association pour le maintien d'une agriculture paysanne) dépassées par la Ruche qui dit oui ou les groupes de financements citoyens (Cigales) dépassés par les plateformes de crowdfunding.

Nadine-Richez Battesti, Maître de Conférences en Sciences Economiques à l'université d'Aix-Marseille, qui tenait le rôle de grand témoin lors de cette conférence interrogea l’ESS dans son ensemble en soulevant la question de la marge et du cœur : Pourquoi l’ESS resterait-elle à la marge ? Pourquoi les mouvements d’« ESS instituante » s’essoufflent-ils ? Pourquoi sont-ils récupérés aussi facilement ? Et pourquoi l’ESS une fois instituée ne trouve pas les moteurs suffisant pour poursuivre son projet politique ?

Mélissa Boudes, Assistante de recherche et d’enseignement à la Chaire ESS URCA-Néoma BS

Christèle Lafaye, Fondatrice de Cleeress

Karine Tourné Languin, Sociologue

Et vous ?

Quelle est votre définition de la recherche-action ? Menez-vous des recherches-actions ? Sur quels sujets ?

Qu’attendons-nous, acteurs de l’ESS, pour nous saisir enfin des questions du genré ? Certains d’entre nous penseraient-ils que les questions d’égalité femmes-hommes, d’accès aux responsabilités… ne sont pas des questions suffisamment stratégiques pour s’y intéresser ?

Se développer sans se faire récupérer-marchandiser ! Voici un dilemme auquel les entreprises de l’ESS ne cessent d’être confrontées. Comment y parez-vous ? Comment transmettez-vous ce bien commun que représente l’organisation coopérative ? Et si les coopératives faisaient du compagnonnage ? Le 6ème principe coopératif est bien la coopération entre coopératives, non ?!

Vous avez apprécié cet article ? Nous diffuserons ultérieurement plus de développements, car lors de ce colloque d’autres sujets importants ont été soulevés, notamment comment organiser la coopération dans les groupes de grande taille ? La transformation du travail/du salariat et la zone grise de l’emploi … A suivre donc !