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Plaidoyer pour une reconnaissance institutionnelle européenne de l’ESS : le livre blanc de Social Economy Europe


27 janvier 2016

Social Economy Europe (SEE), organisation qui représente l’économie sociale dans l’Union européenne (UE), a pour objet la promotion des entreprises de l’économie sociale et leur reconnaissance légale en Europe.

 

Ce livre blanc, paru en septembre 2015, rappelle d’abord la particularité et l’importance de l’économie sociale dans l’UE et fait des propositions pour que l’économie sociale soit un pilier de l’UE. On constate que plusieurs de ces propositions ont été reprises en décembre par des Etats membres et le Conseil de l’Union Européenne.



3 points à retenir :

1- Même si l’ESS est prise en compte par les institutions de l’UE, elle n’apparaît pourtant pas en tant que telle dans le programme de travail de la Commission européenne.

2-Un plan d’action pluri-annuel pour l’économie sociale devrait s’appuyer sur les statuts juridiques européens de l’ESS, afin qu’elle soit sur un pied d’égalité avec les autres formes d’entreprises.

3- Le Conseil de l’Union Européenne ainsi que 6 Etats membres ont, pour la première fois, mis l’accent sur la promotion de l’économie sociale.

 

Particularité et importance de l’ESS en Europe

L’économie sociale représente plus de 14,5 millions de salariés, soit 6,5% de la population active de l’Union européenne et 2 millions d’entreprises, soit 10% des entreprises de l’Europe. Présente dans tous les secteurs d’activité, l’économie sociale pose comme principe la primauté de la personne et de l’objectif social sur le capital. Elle s’appuie sur la lucrativité limitée, la gouvernance démocratique et l’absence d’actionnariat.

 

Depuis 2000, les institutions européennes ont reconnu la contribution de l’économie sociale et solidaire (ESS) au développement économique et social de l’UE. Le Parlement européen a ainsi adopté des résolutions et rapports (rapports Toia de 2009 et 2013) en faveur notamment des statuts juridiques européens des mutuelles et des fondations. Tandis que la Commission européenne a lancé l’initiative pour l’entrepreneuriat social en octobre 2011.

 

La Commission y définit les entreprises sociales comme répondant à 3 critères :

- l'objectif social ou sociétal d'intérêt commun est la raison d'être de l'action commerciale,

- les bénéfices sont principalement réinvestis dans la réalisation de cet objet social,

- le mode d'organisation ou le système de propriété reflète la mission, s’appuyant sur des principes démocratiques ou participatifs, ou visant à la justice sociale.

Cette initiative a 3 objectifs : améliorer l’accès au financement des entreprises sociales, leur visibilité, et optimiser leur environnement juridique.

 

Mais une certaine confusion des concepts européens peut nuire au développement cohérent de l’économie sociale : responsabilité sociale des entreprises, social business, entrepreneuriat social/entreprise sociale. Ainsi, l’Europe entend principalement l’entrepreneuriat social comme une activité du secteur social visant un public vulnérable ou le social business consistant à promouvoir le social en tant que marché, risquant ainsi de faire l’impasse sur les projets collectifs des entreprises de l’ESS.

 

On l’aura compris, ESS ≠ entrepreneuriat social européen. Une grande partie de l'ESS peut entrer dans cette notion d'entreprise sociale européenne, mais pas toute l'ESS. Inversement, une entreprise sociale, au sens européen, ne sera pas forcément une entreprise de l'ESS ...

 

 

Des propositions pour une approche stratégique globale

L’ESS est certes prise en compte par la nouvelle législature : poursuite de l’inter-groupe économie sociale du Parlement européen et du groupe d’experts de l’entrepreneuriat social, direction «clusters, économie sociale et entrepreneuriat» de la Commission… Sans oublier les conférences sur l’ESS des récentes présidences italiennes et luxembourgeoises. Mais… pas de stratégie consacrée à ce sujet. Pas un mot sur l’ESS dans le programme de travail 2015 de la Commission. Qu’en sera-t-il de celui de 2016 ?

 

Social Economy Europe fait des propositions pour faire de l’économie sociale « un pilier » de l’UE. L’ESS a en effet démontré sa résilience face à la crise ; elle a développé l’emploi et est souvent précurseure dans des domaines tels que la santé, le social, l’insertion socio-professionnelle, l’assurance… Elle est source d’innovation sociale.

 

Social Economy Europe interpelle sur la nécessité d’une politique volontariste et ambitieuse pour l’économie sociale, basée sur un plan d’action multil-dimensionnel. Parmi les différentes actions proposées, il préconise :

- de faire connaître et reconnaître le potentiel de l’ESS à l’échelle européenne,

- des actions politiques : outils législatifs et réglementaires et prise en compte des modèles spécifiques de gouvernance, une étude sur la valeur ajoutée des entreprises de l’ESS par rapport à d’autres modèles d’entreprises, une méthode ouverte de coordination,

- de mettre l’accent sur l’ESS dans la communication sur les réglementations auprès des Etats membres, notamment les marchés publics et les fonds structurels,

- de faire un lien entre les politiques sur l’ESS et celles sur l’innovation sociale.

 

Parmi ces préconisations, nous retenons les 3 suivantes :

- Faire aboutir des statuts juridiques européens pour toutes les familles de l’ESS afin qu’elles puissent opérer sur le marché intérieur sur un pied d’égalité avec les autres formes d’entreprises et selon leurs spécificités. L’absence d’un tel cadre les désavantage et fausse la concurrence avec les autres formes d’entreprises,

- Réviser et compléter la cartographie sur l’économie sociale en concertation avec les acteurs concernés,

- Un plan d’action, une feuille de route des mesures à prendre dans les années à venir.

 

 

Les Etats membres mettent l’accent sur l’ESS : une première !

Dans une déclaration du 4 décembre 2015, six Etats membres se sont engagés pour l’ESS : Espagne, France, Italie, Luxembourg, Slovaquie et Slovénie. Lors de la conférence « booster les entreprises sociales en Europe », Nicolas Schmit, ministre du Travail, de l’Emploi et de l’ESS du Luxembourg a présenté cette déclaration qui appelle la commission à intégrer l’économie sociale dans la stratégie Europe 2020, pour une croissance intelligente, durable et inclusive.

 

Convaincus que l'économie sociale a un puissant effet de levier pour la création d'emplois et l'innovation sociale, ils demandent à l’UE de parvenir à une approche commune reconnaissant l'importance de l'économie sociale et de respecter sa grande diversité et son contexte historique dans l'ensemble des États membres.

 

Le 7 décembre 2015, le Conseil de l’UE a adopté des conclusions sur « La promotion de l'économie sociale en tant que vecteur essentiel du développement économique et social en Europe ». Le Conseil qui aborde pour la première fois l’ESS, invite les Etats membres et la Commission à élaborer et mettre en œuvre des stratégies et programmes européens, nationaux et locaux visant à renforcer l’économie sociale, l’entrepreneuriat social et l’innovation sociale.

 

Parmi plusieurs mesures qu’il appelle, nous en retenons 4 :

- Encourager l'inclusion de thèmes liés à l'économie sociale dans les programmes de l'éducation et de la formation, à tous les niveaux.

- Disposer de cadres juridiques pour les entreprises d'économie sociale pour optimiser leurs effets sociaux positifs en termes de croissance et d'emploi.

- Soutenir une coopération loyale et normale entre les entreprises d'économie sociale et les entreprises plus traditionnelles, tournées vers le profit.

- Recenser et promouvoir la diffusion des instruments financiers les plus appropriés.

 

La commission est invitée à tenir compte de l'économie sociale, de l'innovation sociale et des politiques d'investissement social lors du réexamen de la stratégie Europe 2020.

 

Enfin, le Conseil encourage les entreprises et les entrepreneurs sociaux à se concentrer sur les objectifs sociaux en intégrant une culture et des méthodes d'entreprise appropriées, en améliorant encore la représentation des femmes et des jeunes dans la gouvernance, en favorisant le processus d'innovation et d'expérimentation et en encourageant la culture d'évaluation.

 

Au final une stratégie européenne qui s’appuie sur un cadre juridique de l’ESS, sur une cartographie des acteurs mais aussi des dispositifs de soutien à l’éducation et la formation ainsi qu’au financement de ces entreprises. Et l’appel à une plus grande intégration de l’ESS dans les programmes européens pour promouvoir un mode d’entreprendre dynamique, innovant et porteur d’avenir.

 

Tout un programme au service du développement et de la croissance des entreprises de l’ESS en Europe qui mériterait d’apparaître dans la stratégie de l’UE !

 

 

Christèle Lafaye, Fondatrice de Cleeress

 

 

Et vous ?

Quelles mesures seraient selon vous utiles pour renforcer et développer les entreprises de l’ESS en Europe ?

 

Les institutions européennes mettent l’accent sur la mesure des impacts sociaux positifs des entreprises sociales et sur leur évaluation. Qu’en pensez-vous ? Une entreprise de l’ESS peut-elle utiliser les mêmes outils de mesure et d’évaluation que ceux utilisés par les entreprises de l’économie « classique » ?

 

Pour aller plus loin :

Social Economy Europe

L’économie sociale définie par SEE, avec les 7 valeurs et caractéristiques partagées.

le livre blanc de Social Economy Europe : english français espanol

article de SEE sur son livre blanc (en anglais)

 

La stratégie Europe 2020

Communication de la Commission Européenne du 25 octobre 2011, initiative sur l’entrepreneuriat social

Résolution du Parlement européen du 19 février 2009 sur l'économie sociale : "rapport Toia"

 

Le texte de la déclaration du Luxembourg du 4 décembre 2015

Les conclusions du Conseil de l’Union Européenne du 7 décembre 2015 « La promotion de l'économie sociale en tant que vecteur essentiel du développement économique et social en Europe ».

 

 

Rubrique : actualité ESS

Catégorie : international

Mots-clés : Europe, institutions, ESS, économie sociale, entrepreneuriat social

 


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