Ressources enseignement en ESS

Cadres en formation pour une reconversion dans l’ESS : quelles motivations, quelles perceptions ?


12 janvier 2016

Selon diverses études, l’économie sociale et solidaire (ESS) devrait recruter de manière importante d’ici 2020. L’ESS a le vent en poupe, l’Association pour l’emploi des cadres (APEC) et le Conservatoire National des Arts et Métiers (CNAM) ont ainsi voulu en savoir plus sur les profils et les motivations des cadres qui se réorientent vers l’ESS.

 

Ils ont donc mené une enquête qualitative auprès d’un échantillon de cadres qui ont engagé des formations spécifiques pour cette réorientation. Cette enquête a été conduite via 14 entretiens semi-directifs de cadres qui ont intégré des filières de formation des domaines de l’ESS, du social et de la formation, dans 3 universités et deux formations proposées par des régions.

 

Pourquoi s’engagent-ils dans l’ESS ? Quels sont leurs parcours et motivations ? Quelles sont leurs représentations sociales de l’ESS et leurs perspectives d’avenir ?



3 points à retenir :

1- Ce qui motive les cadres à se réorienter dans l’ESS : les principes humanistes et les valeurs démocratiques ! La volonté d’un contexte de travail en accord avec l’éthique personnelle ou des idéaux.

2- Trois attitudes de carrière ressortent de cette enquête : aventuriers, militants et ambitieux. La formation est considérée comme un sésame d’intégration, même si le parcours vers l’ESS est vu comme long et exigeant.

3- Les cadres en transition estiment que, dans l’ESS, le cadre doit être à la fois militant et gestionnaire. Leurs perspectives sont d’intégrer un poste existant, un poste de direction d’association, voire de créer une structure dans l’ESS.

 

L’enquête, menée par le Centre de recherche sur la formation du CNAM, s’appuie sur les interviews de cadres* qui sont à un tournant de leur trajectoire professionnelle : en transition vers l’ESS ou dans des dispositifs de bilan de compétences. Leurs parcours professionnels sont variés, ils sont en général issus d’un milieu plutôt favorisé et ont dans l’ensemble un niveau master.

 

L’étude démontre 3 attitudes de carrière : les aventuriers, les militants et les ambitieux. Les premiers recherchent des expériences professionnelles inédites propices à la découverte de soi. Les militants veulent défendre ou promouvoir certaines idées sur la société. Enfin les ambitieux cherchent une mobilité ascendante et de la reconnaissance.

 

Il y a souvent à l’origine des expériences de travail douloureuses (déconvenues, souffrances, déficit de reconnaissance et perspectives professionnelles limitées) qui expliquent cet attrait vers un « secteur » avec des principes humanistes et des valeurs démocratiques.

 

Motivations

L’enquête met à jour les motivations de la transition vers l’ESS. D’abord un déclic et une période de transition. En général des événements professionnels déclenchent une prise de conscience de la nécessité de changer. Il s’agit de réorganisations et de changements de direction ou de stratégies de management des entreprises perçus comme dégradant l’activité professionnelle.

 

La formation est considérée comme un sésame d’intégration, qui manifeste aux futurs employeurs de l’ESS une adhésion à leurs principes. Les formations entreprises impliquent un travail de terrain (stage, alternance), ce qui constitue un plus.

 

Enfin, on soulignera la fibre humaniste de ces cadres. Ils souhaitent souvent se conformer à une éthique ou à des idéaux dans leur vie professionnelle.

 

 

Représentations sociales

Ces cadres ont des représentations sociales variées de l’ESS. Pour eux l’ESS est associée à un projet global de société et une forme de gestion démocratique et humaine des organisations. L’ESS est vue comme porteuse d’innovations sociales et techniques, en particulier parce qu’elle favorise la coopération. L’association leur paraît la structure la plus caractéristique de l’ESS.

 

Leur vision combine un fort attrait pour l’ESS et une approche critique. Secteur aux valeurs humanistes, vu comme opposé au secteur marchand, il est synonyme de baisse de salaire. L’ESS leur paraît opaque dans le sens où l’on ne sait pas réellement ce qui permet de s’insérer et d’évoluer. Les cadres ont des doutes sur la clarté et l’aspect démocratique de son fonctionnement. Ils ont une vision politique du rôle des associations dans la société, en s’interrogeant toutefois sur leur pouvoir réel et sur le soutien apporté par les pouvoirs publics.

 

 

Objectifs

En intégrant l’ESS, ces cadres veulent travailler autrement et mieux maîtriser leur vie professionnelle. Ils recherchent un contexte de travail en accord avec leur éthique personnelle. Cette réorientation professionnelle est pour eux synonyme d’expression de soi, de création de projet ou d’un rythme de vie plus équilibré.

 

50% des cadres interrogés veulent utiliser davantage leur potentiel et une plus grande liberté dans leur travail. D’où l’importance centrale qu’ils accordent à la collaboration et la décision collective, propres aux entreprises de l’ESS.

 

Les projets de ces cadres en transition sont de trois ordres :

- intégrer un poste existant (aspiration perçue comme difficile vu le grand nombre de sous-secteurs demandant des compétences spécifiques) ;

- trouver un emploi de direction d’association (ce qui correspond à des postes déjà occupés hors ESS) ;

- créer une structure dans l’ESS (des projets personnels d’activité ont parfois été muris dans le cadre de la formation suivie).

 

 

Un parcours long et exigeant

Les cadres pressentent certaines difficultés, comme la crainte d’une baisse de leur niveau de vie et une insertion difficile liée notamment à la complexité de l’ESS et à l’absence d’accompagnement après les formations suivies. Par ailleurs, ils sont inquiets de retrouver dans l’ESS des travers qu’ils ont connus dans le secteur marchand …

 

Ils considèrent le parcours pour rejoindre l’ESS comme long et exigeant : nécessité de s’acculturer, d’en comprendre les codes, de cerner les enjeux et les spécificités et enfin d’y développer un réseau relationnel. L’orientation vers l’ESS constitue ainsi un choix de vie qui engage la personne et son entourage.

 

 

Même si l’on peut souligner la taille réduite de l’échantillon interviewé, cette enquête a le mérite de s’attarder sur les attentes de cadres dans leur cheminement vers l’ESS et de dégager quelques premières tendances. Cette étude exploratoire vise en effet à être approfondie par d’autres études à venir. On attend donc avec impatience qu’elle soit complétée par une enquête quantitative plus large.

 

Les cadres en reconversion dans l’ESS pensent que les recruteurs cherchent des cadres à la fois militants et gestionnaires. Des perles rares en somme ! Il serait intéressant d’avoir également le point de vue des entreprises de l’ESS. Un grand nombre de cadres en reconversion ont intégré l’ESS ces dernières années : quel bilan en dresser ? Quelles sont les difficultés rencontrées, les réussites, les points de vigilance ? De quelles formations sont issues ces nouvelles recrues ?

 

 

Christèle Lafaye, Fondatrice de Cleeress

 

 

Et vous ?

Les cadres en reconversion vers l’ESS interrogés dans cette étude estiment que le cadre idéal dans l’ESS doit être à la fois militant et gestionnaire. Qu’en pensez-vous ?

 

Quelles sont selon vous les motivations les plus fortes d’un cadre à se reconvertir dans l’ESS ?

 

Les cadres en reconversion vers l’ESS craignent une insertion difficile liée à l’absence d’accompagnement après les formations suivies. Qu’en pensez-vous ?

 

En tant qu’employeur ou recruteur de l’ESS, quels constats faites-vous sur les profils des cadres en reconversion ? Avez-vous constaté une évolution dans les formations dont ils sont issus ou dans leurs parcours et motivations ? Quels points de vigilance pour les intégrer dans vos équipes ?

 

* profils des cadres interviewés :

- Entre 30 et 50 ans

- Formations initiales très variées : comptabilité/finances, enseignement/éducation spécialisée, management/marketing ; techniques audiovisuelles …

- Métiers antérieurs très variés : conseiller bancaire, enseignant, comptable, ingénieur du son, DRH …

- Très majoritairement en formation au moment de l’enquête, ils sont 50% en niveau master. Formations suivies : CNAM, Adema, Master management de l’insertion par l’ESS (des précisions sur ces formations auraient été bienvenues)

- Les projets professionnels sont relativement flous, même si certaines tendances sont mises en exergue par l’enquête.

 

Pour en savoir plus, voir page 47 de l’étude.

 

Pour aller plus loin :

Etude complète (58 pages)

Synthèse de l’étude (8 pages)

Page du site internet de l'APEC

 

Baromètre sur la qualité de vie au travail dans l’ESS, Chorum-Cides, 2014

Mis à jour dans 4 régions, décembre 2015

 

La page répertoire des formations en ESS du site internet de Cleeress

 

 

Rubrique : enseignement en ESS

Catégorie : actualité

Mots-clés : formation, reconversion, cadres, emploi, métiers


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